LYDOL est en Crise ! Voici ce qu'il faut faire

by Divine KITIO

Son père tue un enfant de 6 ans, à 11 jours environ de son concert inédit au Palais des Congrès à Yaoundé, Cameroun.

Alors qu’elle est en pleine campagne de communication pour son concert inédit au Palais des Congrès à Yaoundé (– grande campagne de promotion, incitation à l’achat de billets, témoignages d’amis, d’influenceurs, de médias, et surtout de ses parents, père, mère et même de son frère – les réseaux sociaux inondent d’images de l’affiche du concert, de messages de soutien d’influenceurs, de pages de blogs, de médias et de journalistes classiques (télévisions, radios, tabloïds), sans oublier la communication de proximité, avec une vente directe de billets dans les supermarchés, permettant au public de la rencontrer, de se filmer avec elle, etc.-), Lydol, grande artiste camerounaise, slameuse, actrice et musicienne, est aujourd’hui au cœur d’un véritable cas d’étude de situation de crise.

Lydol, la jeune slameuse, depuis ses débuts dans le monde du showbiz, a accumulé distinctions, prix, collaborations avec de grandes marques comme l’Union Européenne, de nombreux titres sortis, des apparitions médiatiques multiples et une forte communauté sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook). Elle a une stratégie de communication très poussée sur son image et sa réputation mais aussi sur son image de marque en tant que femme de distinction, actrice culturelle et militante pour les femmes dites défavorisées notamment au travers de son association SheEroes etc. Toute cette stratégie repose alors sur deux objectifs :

Le premier est affectif : faire aimer. Se donner une image de marque, une image distinguée, qui attire, qui séduit, qui marque. C’est, à vrai dire, le premier objectif de toute stratégie de communication d’influence quand on sait qu’on est déjà connu. Jamais, jusqu’ici, elle n’avait été associée à un drame ou un scandale pouvant ternir son image ou sa réputation. Elle incarne la figure d’une jeune artiste camerounaise passionnée, engagée dans son art – le slam et la musique – et portant de belles valeurs : une femme de confiance sur qui le Cameroun peut compter.

Le second objectif, surtout dans le contexte actuel de son concert, est conatif : mobiliser et pousser à une action bien ciblée. Comme mentionné en introduction, elle utilise tous les outils à sa disposition pour communiquer autour de cet événement afin de remplir le Palais des Congrès de Yaoundé pour un méga giga concert (qui doit d’ailleurs se poursuivre en France). Elle mobilise la presse, les influenceurs, le marketing de proximité, un peu de street marketing, tout en poursuivant sa séduction à travers ses textes forts et en rappelant ses débuts dans le slam. Elle va jusqu’à jouer le rôle de caissière dans les supermarchés pour vendre elle-même ses billets, en contact direct avec ses fans.

Quelle belle image !

Quelle stratégie de communication soignée et réussie !

Quel beau parcours !

Mais voilà que le 10 mai, alors qu’elle est en pleine action stratégique dans un supermarché de la place, en train de vendre plus d’une trentaine de billets, une nouvelle tragique envahit les réseaux sociaux : le père de l’artiste aurait tué un enfant de six ans la veille. Pire encore, il serait lui-même dans le coma, sous surveillance des forces de l’ordre camerounaises.

Les réseaux sociaux explosent. Deux camps s’affrontent :

• Le camp des « BANGO BANGO avec LYDOL » :

  « Lydol est quelqu’un de très moral et très sage. On la connaît depuis des années sur la toile et elle n’a jamais eu un seul scandale, égarement de comportement ou même de langage. Ce n’est pas à elle de payer pour les erreurs de son père. On la soutient pour son concert. Quant à son père, il assumera. »

  
  

• Le camp des indignés :

  « Non, non, non ! Si elle est aussi morale qu’elle le prétend, elle doit annuler ce concert, en mémoire de l’enfant tué. Continuer la communication comme si de rien n’était est une honte, une insulte à la mémoire du petit et à sa famille. »

  
  

L’artiste se retrouve alors en pleine crise. Une stratégie de communication de crise s’impose. Et c’est là que les professionnels doivent entrer en jeu.

Que faut-il alors faire ?

• Démentir ?

• Se taire jusqu’à ce que la tension redescende ?

• La tension va redescendre quand  en passant ? Avant ou après la date du concert ?

• Faire un message tout de suite ? Mais sur quels messages clés exactement?

• Soutenir son père, même si ce qu’il a fait est insoutenable ?

• Soutenir la famille endeuillée ? Mais avec quels mots ? Par quels moyens ?

• Faire un message pour le petit garçon ?

• Répondre aux messages haineux en se défendant à la hauteur de la haine partagée?

• Solliciter l’appui de ses amis influenceurs pour un contre-discours positif ?

C’est le chaos total.

En ma matière de professionnelle de communication et passionnée par la gestion de crise et du monde culturel, voici quelques recommandations que je pourrais faire à LYDOL pour réussir à s’en sortir sans cette tache rouge sur sa réputation. Certes, cet incident, bien qu’il ne soit pas causé par elle, est rattaché à elle quand même ; il s’agit de son père biologique. C’est de la même façon que dans la politique interne des organisations, il est demandé aux employés d’avoir un comportement exemplaire, tant dans l’organisation en interne qu’à l’extérieur, afin de ne pas entacher la réputation et l’image de celle-ci en tant qu’employé et ambassadeur de l’image de marque de ma dite Organisation.

C’est aussi de la même manière que, plusieurs fois sur les réseaux sociaux, le président de la République, S.E. Paul Biya, a été lynché à cause du comportement de sa jeune fille, jugé comme « inapproprié pour la fille d’un président ».

Alors, il n’est pas juste question ici de se dédouaner complètement de la situation en disant que « c’est son père, pas elle, et du coup la vie continue ». Aussi, elle ne doit surtout pas intervenir avec des messages axés sur la condamnation de son père car cela pour moi est interne à sa famille et elle a une réputation à et un concert à sauver.  

Il est question de :

1.Commencer par se calmer : Prendre un moment pour comprendre la situation. Le Quintilien vient en aide dans ce cas:

-Qui ? Son père.

-Quand ? Pendant sa période de grande communication pour son concert.

-Quoi ? Un meurtre, un enfant tué par celui-ci.

-Pourquoi ? À cause d’une dispute entre le père de Lydol et le père de l’enfant décédé.

-Comment ? Avec un couteau, dit-on.

Une fois ceci bien compris, on réalise que l’artiste se trouve dans une situation délicate. Le meurtre est grave. La période est mal choisie. Il faut assumer. Il faut se calmer. Il faut se poser. Lydol a déjà bien commencé le jeu : depuis hier soir jusqu’à présent, elle n’a fait aucun post, aucun commentaire, aucun message ni sur la toile ni dans un média. Elle est silencieuse, et cela est très appréciable et à encourager pour le moment. Pour le moment parce qu’il va falloir absolument sortir de l’ombre et prendre position.

2. Créer une cellule de communication de crise : Cette cellule doit absolument déjà être mise sur pied en ce moment. Si ce n’est pas le cas, elle doit le faire au plus vite. Rassembler ses maillons forts, ses personnes de confiance et influentes, de bonne moralité. À deux ou trois personnes, ce n’est pas suffisant. Il en faut plus de cinq. Elle peut même impliquer un de ses partenaires stratégiques ; cela communiquera un grand sérieux de sa part, même dans la gestion de ses partenariats à long terme. Présenter la situation, discuter et établir une stratégie. Sa plus grande force est qu’elle est une personne universellement de bonne moralité.

3. Attendre deux à trois jours puis faire un message bien ciblé qui doit être relayé par toute sa communauté d’influenceurs, qui seront sa force. Je suggère que ce message, elle le fasse sous forme de slam. Oui, et en vidéo surtout. Elle peut utiliser son talent et sa force pour structurer ce mot. Ce qu’il y a à retenir dans ce slam, c’est :

« Je suis tellement navrée par cette situation. Aucun parent, pas même le mien, ne souhaiterait voir son enfant perdre la vie. Cela me touche. Je ne saurais tenir plus longtemps sans me prononcer à ce sujet. »

Une fois que c’est fait, elle reste loyale, elle reste dans sa stratégie de communication de marque. Elle joue sur la sensibilité et sur l’honnêteté de son propre cœur. Cette action va susciter naturellement des questions et des réactions : certains diront que c’est de la comédie, certains diront que ce n’est pas suffisant, certains seront inquiets pour son concert, et certains resteront bango bango avec leur artiste en la protégeant de tout leur cœur.

4. Ensuite, faire une apparition dans le domicile de la famille endeuillée. Elle devrait descendre à la maison du petit garçon et partager sa peine avec la maman et le papa ; dire qu’elle est désolée, et que cela la touche ; faire preuve de compassion. Aller jusqu’à promettre de contribuer au deuil du petit garçon. S’assurer que cela soit relayé absolument sur les réseaux sociaux par la suite. En le faisant, elle calme totalement le jeu ; elle rassure, elle montre qu’elle est compatissante, qu’elle est une fille responsable — responsable d’elle-même et même des actes posés par ses parents lorsqu’ils affectent sa carrière.

5. Enfin, tenir son concert comme prévu : dans toute sa splendeur et dans tout son art. Faire, en ouverture, le slam (CF point 2) sur le petit garçon et lui dédicacer ce concert. Elle peut même commencer même par une minute de silence. Se donner à fond et laisser la nature et la force de sa réputation faire le reste. Et par la suite, tenir ses promesses envers la famille endeuillée.

Si j’étais dans la cellule de communication de crise de Lydol, voici, en cinq points, les étapes que je lui aurais conseillé de suivre pour sortir de cette crise en GRANDE, en LIONNE – LOUVE – ET LIÈVRE.

Et pour que cela réussisse, il faut qu’elle arrive à "égaliser le flux" de ses actions de communication et de ses posts avec le flux de progression des injures et commentaires malveillants à son égard, afin de rééquilibrer les choses en sa faveur. Elle doit donc jouer sur sa réputation et absolument se faire aider par ses confrères artistes et influenceurs et les médias.

Vous retenez donc qu’en communication, la crise ne vient pas forcément de soi-même mais de tout élément externe ou interne lié à l’organisation ou à la personnalité publique, comme dans ce cas. Sachant qu’on ne peut pas toujours tout maîtriser — on peut anticiper certaines choses mais pas tout contrôler —, il faut être prêt, avoir une équipe de communication solide, et avec soi un professionnel qui saura gérer ce type de crise.

Cela n’est pas un luxe.

C’est un MUST pour une personnalité d’une telle envergure.

A très bientôt pour plus de contenus pareils !